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c Laurent Boutefeu
Enfin, tout ça, c’est pour plus tard! D’abord, on prend le temps de s’installer, prendre l’ambiance, réapprivoiser l’endroit. Pour tout dire, on se les gèle. Le vent est frais, la mer est lourde. Et Django Django, là-bas, au loin sur l’énorme scène Heineken nous font penser à des playmobils dans une baignoire. Bientôt deux ans que Django Django tourne avec son premier album et rien n’a fondamentalement changé : synthétique, arty, lointain, très lointain…
Pour se remettre d’aplomb, on se fait une tranche de nostalgie 90′s. Shellac, le groupe de Steve Albini, fait, comme chaque année, son petit tour à Barcelone. Basse qui claque, rock bien noise et carré, et Steve Albini qui braille dans son micro comme un jouvenceau boutonneux. Rien de neuf sous la pleine lune. Pas désagréable, mais il y a un truc un peu flippant à réaliser que tout ça (guitare et t-shirt compris) a vingt ans d’âge et que des images de Beavis & Butthead nous trottent dans la tête durant le set. Pour terminer, le trio de presque quinquagénaires nous fait même un sketch à la Benny Hill : les deux grateux démontant la batterie du troisième alors qu’il est encore en train de jouer… ça aurait pu être drôle… ça l’a juste pas été. Un peu comme le concert, en fait.
Là, on a nos marques. La première soirée nous a fait comprendre deux, trois trucs de première importance pour qui veut survivre. Si bien que la décision a été prise de jouer serré et de rester dans le même coin, entre la scène Heineken et l’ATP. Et c’est peut-être la meilleure idée qu’on ait eu depuis celle de se remettre au mini-foot ! Evitons de s’éparpiller, serrons le jeu ! D’autant plus que le gros du panier se joue dans le coin, à commencer par les revenants Jesus & Mary Chain, à la Heineken (la scène, pas la bière… Bien que la première soit nommée d’après la deuxième…)
Pas de nouveauté sous le coude pour les Ecossais, mais on était curieux de voir comment Jesus & Mary Chain, qui avait remis le bruit blanc velvetien au goût du jour au milieu des années 80, avait géré les années. Réponse : pas mal du tout. Bon, sur la grande scène, le début est un peu hésitant, le son n’est pas assez puissant, d’autant que le vent envoie tout ça valdinguer on ne sait trop où… Jesus & Mary Chain fait alors tristement penser à du Primal Scream un peu trop mou du genou (Bobbie Gillespie, Screamer en chef, a débuté derrière la batterie chez J&MC). Et puis, passé la perle ‘Just Like Honey’ (le titre à la fin de « Lost In Translation »), les frères Reid passent à la quatrième et le final est de toute haute volée. On retrouve ce son drogué, ce bruit blanc et cette morgue de sales teignes qui nous font dire, contrairement à Shellac, que cette musique a quasi 30 ans et qu’elle est encore pertinente en diable. Le Corps du Christ et Amen.
Bon, les choses commencent à être tendues. Il est minuit, Blur monte sur scène dans une heure vingt seulement, mais on tient à notre principe de départ : pas question de s’éparpiller pour se retrouver ensuite à 20 bornes de la scène pour le retour des Britpopeux. Mais il se passe un truc. A côté, sur l’ATP, ça n’a pas l’air de rigoler. Y a du son qui monte, lentement, qui nous attire dans une atmosphère de fin du monde… On s’approche à petits pas, comme des enfants intrigués par l’interdit. Il y a comme une sensation de danger dans l’air et BOUM ! La décharge nous explose le bide, on a les yeux comme des boules de pétanque et les oreilles comme des trombones… Neurosis, messieurs, dames, vous explique l’Apocalypse. Et c’est vachement prenant. Pas de fausses idées ! Neurosis est au metal ce que Godspeed est au rock… Quelque chose de post, d’au-delà, d’après… Après la guerre, après la misère, après la mort… Où tout n’est plus que puissance et désespoir. Lourd. Fascinant. Impérial. Voilà! Là on est fin prêts!
On se repositionne pour LA tête d’affiche du jour, voire du festival : Blur, donc. Reformé, faudrait ajouter. Et c’est peu dire qu’il y a du monde. 20, 30.000 personnes ? A ce niveau, c’est pas la peine de chipoter. C’est du peuple. Qui attend bien sagement. A 10 minutes du coup d’envoi, un peï se présente au micro et sur écran : « Hi, we are The Wedding Present ». La petite surprise des chefs, The Wedding Present, rescapés de la classe indie pop du milieu des 80′s, sert de hors d’oeuvre depuis la loge VIP. Trois titres pour faire patienter, et puis…
« Buenas noches ». Et sur quoi les rois de la Britpop entament les festivités ? Un truc un peu profil bas, le temps de se mettre en jambes ? Non, non : ‘Girls & Boys’, d’entrée de jeu. C’est à ce genre de détails qu’on comprend que tel groupe est devenu énorme. Car derrière, on sait que Blur a de quoi tenir pendant deux heures. Une usine à tubes, voilà ce qu’est Blur. Que tout le monde reprend en choeur. Même les tubes de troisième zone (‘There’s No Other Way’, ‘For Tomorrow’) sont devenus aussi populaires que les ‘Parklife’ ou ‘Country House’. Tout y est passé. Ça n’a pas arrêté cinq minutes. Et pourtant, le groupe envoie trois, quatre titres de « 13 », son album le plus expérimental, en milieu de set. Rien n’y fait. C’est gagné, les doigts dans le nez encore bien. Quand on est fédérateur à ce point, c’est tout de même qu’on a atteint quelque chose. Que faire de plus ? Sinon faire plaisir aux gens… En guise de rappel, la nouvelle ‘Under The Westway’, ‘For Tomorrow’, ‘The Universal’ et ‘Song 2′. Crescendo. Jusqu’au bout. C’est quand même bien fait la pop quand c’est populaire…
Trois heures de la nuit… Pensez que c’est fini ? Nah. Après la pop, il y a la face cachée, le monstre obscure, Hermès Trismégiste qui sort des bois version comédie musicale… The Knife, responsable avec « Shaking The Habitual » d’un album exigeant, hermétique, radical et fascinant, présentait l’affaire à sa façon. Et là, c’est un peu plus compliqué qu’une usine à tubes pop…
Avec les Suédois, on est plus du côté de l’Art contemporain que de la pop. Leur nouveau concept, c’est d’envoyer des danseurs faire le boulot pendant que des bandes s’occupent du son. De temps à autre, Karin Dreijer Anderson se place derrière le micro, seule au piano, parfois elle est avec les danseuses, à moitié cachée par du maquillage… On ne sait trop qui est qui. On ne sait qui fait quoi. On ne sait s’il s’agit d’un concert ou d’une performance ou de branlette pseudo-intellectuelle. En tout cas, ça pose question : sur notre façon d’écouter de la musique, d’assister à un concert, sur ce qui importe le plus, l’image ou le son?… Et de revenir aux origines de la musique électro : un DJ qui passe des disques, le public comme vraie star de la soirée. Le fan de Pearl Jam, lui, est forcément déboussolé, bousculé, voire scandalisé par tel parti pris, et il le fait savoir! Pas content du tout, le fan de Pearl Jam, ça, c’est un fait… En attendant, The Knife secoue nos habitudes, et c’est pour ça aussi qu’on est là. Ou pas?
DIDIER ZACHARIE
En résumé :
Concert de la soirée : Blur, mais c’est un peu facile… On aurait plutôt envie de dire The Knife, même si on n’a toujours pas tranché : génies ou faussaires ? Probablement un peu des deux…
Moment de la soirée : le regard rempli d’incompréhension, de rejet et de haine du fan de Pearl Jam durant The Knife.
Non moment de la soirée : le changement d’horaire de dernière minute qui repousse Swans en même temps que Blur. Scandale!
T°C : le vent était froid, la mer agitée, c’était la pleine lune, on n’a pas rigolé…